Compétition de mixologie à Montréal : 3 femmes qui se démarquent dans un monde d'hommes
Par Laurence Provencher
Publié le 9 décembre 2017
Thématiques: mixologie, compétition
Demain soir, Montréal sera l'hôte de la finale régionale de Made With Love, compétition de mixologie créée en 2009. Sur les 20 finalistes qui s'affronteront en servant des cocktails inventifs à plus de 1 200 personnes, seules trois sont des femmes. Ces perles rares tenteront de remporter une des deux places à la finale canadienne, qui elle se tiendra en mai 2018. Le tout dans l'espoir d'être sacrée meilleure barchef du Canada, rien de moins.
Mathild Ramirez, Julie Bélanger-Cateysson et Asilex Rodriguez ont accepté de discuter avec nous de leur préparation à la compétition et de la place des femmes dans l'industrie du cocktail.
Il a suffi d'un cocktail à la barbe à papa bu le jour de son 18e anniversaire pour que Mathild Ramirez ait la piqûre de la mixologie. Dans le cadre de Made With Love, la très jeune femme, aujourd'hui âgée de 19 ans (!), représente l'École du Bar de Montréal, d'où elle est une ancienne élève.
C'est évidemment la première participation de Mathild à Made With Love en tant que barchef, mais sa jeune carrière ne l'empêche pas d'avoir une opinion assumée sur le milieu des bars.
Quand on lui demande pourquoi, selon elle, si peu de femmes seront de la finale régionale, Mathild affirme que l'univers de la mixologie case les filles dans deux catégories plutôt limitantes. « Le premier choix, assez sain, est de se démarquer en tant que femme au naturel, d'être très talentueuse et capable de servir d'excellents cocktails, en plus d'offrir un très bon service à la clientèle. Le deuxième, c'est d'avoir un beau corps, simplement. »
Se décrivant comme profondément féministe, Mathild Ramirez soutient que sur la scène des bars montréalais, le talent des femmes est largement sous-estimé : « Il y a une croyance répandue comme quoi si tu veux faire des cocktails et de la mixologie, t'as pas besoin d'une femme avec un décolleté, donc t'as pas besoin d'une femme, point. »
Ce qui n'empêche pas à cette mordue de chartreuse de se lancer et de proposer, lundi soir, un cocktail qui s'inspire de ses études collégiales en sciences humaines. D'ailleurs, Mathild ne sait pas si elle fera de la mixologie sa carrière, mais elle a sans aucun doute l'aplomb nécessaire pour évoluer dans le domaine.
C'est également une première participation à Made With Love pour Julie Bélanger-Cateysson du Ludger. Bartender depuis une dizaine d'années, elle s'est inspirée de l'Espagne ainsi que de l'univers gipsy pour créer le cocktail qu'elle présentera lundi soir.
Cette grande amatrice de mélanges à l'amertume prononcée constate une amélioration dans la culture de l'industrie en ce qui a trait à la place des femmes. Toutefois, elle s'explique mal pourquoi si peu sont finalistes de Made With Love vu le nombre toujours croissant de bartenders très qualifiées à Montréal.
La mixologue de 34 ans considère que sa clientèle, de plus en plus avertie, est davantage respectueuse qu'à ses débuts. N'empêche que le comportement des clients n'est pas le même si c'est un homme qui est derrière le bar. « Les clients masculins essaieront de flirter ou placeront un commentaire. J'ai des tatouages, et ces clients vont se permettre de me prendre le bras sans me le demander. Ils sont plus enclins à entrer dans ma bulle », note-t-elle.
La chef du Ludger et présidente de l'association Les femmes chefs de Montréal Dominique Dufour a créé une bouchée pour mettre en valeur le cocktail de Julie Bélanger-Cateysson. De quoi donner envie au public d'en commander un deuxième, ce que souhaite la barchef!
Fière représentante du Bar Le Lab, Asilex Rodriguez n'en est pas à sa première compétition de mixologie. Lundi soir, c'est entourée de sept collègues et de deux opérateurs d'une machine Ufrost qu'Asilex préparera à la chaîne sa création, un cocktail qui comporte un ingrédient qu'elle n'aimait pas il y a à peine quelques mois. Audacieux.
Tout comme Mathild et Julie, Asilex adore son métier. Mais ce qu'elle déplore, c'est le manque de mentors féminins. Le monde des bars n'est pas réservé qu'aux hommes selon elle, mais les têtes d'affiche sont masculines. « Quand tu vas dans un bar de mixologie, il y a plus d'hommes qui y travaillent. Dans un club, c'est l'inverse. Il ne manque pas de femmes dans les bars, mais en mixologie, oui. »
Justement, depuis peu, l'établissement où elle travaille organise mensuellement les jeudis Bad Girls. Durant ces soirées, une mixologue invitée crée des cocktails, et le personnel derrière le bar est entièrement féminin, le tout pour donner plus de visibilité aux filles qui ont du talent.
Et que pense-t-elle du petit nombre de participantes finalistes de Made With Love? « Cette compétition est intimidante, que tu sois un homme ou une femme. En plus, en tant que fille, de constater que si peu s'inscrivent rend la chose encore plus impressionnante. Et puis le nombre de filles inscrites est proportionnel à celui des filles qui travaillent dans les bars de mixologie. » Voilà justement le nerf de la guerre.
L'an dernier, les deux gagnants de la finale régionale montréalaise étaient Maximiliano Vallée Valletta et Émilie Loiselle, toute première femme à remporter cet honneur. La voie est maintenant pavée, et les filles sont là pour rester.
La finale régionale de Made With Love 2017 a lieu le lundi 11 décembre 2017 à la Société des arts technologiques de 18 h à 23 h. Les billets sont toujours en vente pour ceux et celles qui souhaitent encourager les filles!
Découvrez également les recettes de Brandon Beerwort, Gia Bach Nguyen et Sean Sargent, trois finalistes qui évoluent dans des bars d'inspiration asiatique!
Les photos ont été fournies par Made With Love. Crédit photos : Akim Dinardi Photographe