Entrevue avec Marc-Antoine Lemire du film Pré-drink
PRÉ-DRINK est un court-métrage présenté lors de notre passage au Festival International du Film Francophone de Namur. Le film raconte un moment entre deux amis, un jeune garçon et une jeune fille transsexuelle, juste avant une sortie entre amis. Une soirée qui réserve bien des surprises.
Nous avons rencontré le réalisateur et scénariste, Marc-Antoine Lemire lors de notre passage à Namur.
TR : Bonjour Marc-Antoine! Comment est venue l’idée de PRÉ-DRINK?
MAL : J’ai commencé l’écriture il y a 3 ans, Caitlyn Jenner (Bruce) n’avait pas encore fait son coming out. Les médias n’accordaient pas autant d’attention au phénomène trans. Là, le film voit le jour trois ans plus tard, c’est dans l’air du temps avec des séries comme Transparent, mais à l’écriture, c’était super marginal.
Moi ce qui m’intéressait à la base, c’était le sentiment de solitude du personnage d’Alex, le personnage central, qui doit vivre avec son enveloppe corporelle. Elle est en plein processus de changement, son corps est hybride, il y a une partie qu’elle assume et l’autre qu’elle rejette.
Elle se pose la question : Quel genre de désir attire-t-elle chez l’autre ? Quel est le regard de l’autre face à elle-même ?
TR : Justement, dans Pré-Drink c’est une séduction entre une transsexuelle et un ami gay. Tu aurais pu confronter ton personnage à un homme hétérosexuel… Pourquoi avoir choisi l’homosexualité ?
MAL : Les deux amis qui se connaissent depuis le début de leur vie. Et il y avait cette idée que lorsqu’ils se voient dans le passé, c’était deux jeunes garçons. Les deux sont attirés par des hommes. Tout aurait pu arriver entre eux, mais finalement il ne s’est jamais rien passé. Le fait que l’ami soit gay amène aussi la notion qu’entre eux, qu’il n’y a pas de limite ou de barrière. Ils n’ont pas de pudeur, ils sont libérés sexuellement. On sent que tous les deux s’assument. Ce qui n’aurait pas nécessairement été le cas si lui avait été hétéro.
Le film est aussi basé sur le point de non retour entre les deux protagonistes. Elle devient femme et par le fait même, elle devient de moins en moins attirante pour lui. À l’exception de ce qui se trouve encore entre ses deux jambes…
TR : Fallait-il que la comédienne qui incarne Alex soit absolument une vraie trans ?
MAL : Oui… c’était non négociable. Le fait qu’elle soit trans amène la toile de fond. Je voulais parler de transsexualité, mais pas de manière frontale. J’ai voulu la déstigmatiser de sa condition de trans en la rapprochant des gens le plus possible.
TR : Mais des actrices trans ça ne pleut pas les rues… Comment avez-vous trouvé Pascale Drevillon ?
MAL : Oui le processus a été long. Je la connaissais via un ami. Je lui ai écrit sur Facebook. Je lui ai demandé de lire le scénario pour valider des détails étant donné que la transsexualité, ce n’est pas quelque chose que je connaissais de si près. On s’est rencontré… On est devenu amis et elle a nourri le scénario. Et quand on est parti en processus de casting, on a vu un paquet de trans, actrices et non actrices de tous les milieux.
TR : Il y a aussi l’actrice transgenre, Gabrielle Boulianne-Tremblay qui a joué dans Ceux qui font les révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau, vous n’avez pas pensé à elle ?
MAL : C’est drôle car au départ on voulait que ce soit elle, car elle ressemblait davantage au personnage que Pascale. Pascale n’avait pas nécessairement montré en audition ce qu’on croyait être le personnage. Alors on a commencé à travailler avec Gabrielle et au gré des répétitions, on s’est rendu compte que ce n’était pas la meilleure collaboration autant pour elle que pour nous. Pourtant, on s’entend super bien, c’est une amie, elle gravite autour de nous et j’ai hâte de la recroiser. Alors en toute honnêteté, on est retourné en casting et là ça m’a sauté aux yeux, je me suis rendue compte que la personnage que je cherchais je l’avais depuis le début… c’était Pascale.
C’est devenu très clair et là tout s’est emboité.
TR : J’ai lu que Pascale dit qu’elle est encore 20% homme et 80% femme, le vois-tu ?
MAL : Non, je ne pense jamais à ça ! Le concept des pourcentages ne sert aux gens que pour mieux comprendre ce qui se passe chez elle. Les pourcentages c’est beaucoup trop théorique.
TR : On dit une actrice Trans… Crois-tu qu’un jour on va arrêter de dire Trans et on ne dira que le mot actrice dans son cas ?
MAL : Moi c’est vraiment mon souhait. Souvent, quand on me demande d’expliquer le film je parle davantage d’amitié, de limites, de frontières. Au début, je ne mentionne pas d’emblé la transsexualité. Je ne veux pas que ce soit le centre d’attention du film, je veux que ça dépasse ça! C’est pareil pour elle.